Régime de retraite universel : Les préconisations de Jean-Paul Delevoye

29 Juil 2019

Jean-Paul Delevoye a présenté au 1er ministre ses préconisations en matière de réforme des retraites. Celles-ci serviront de base à la loi, attendue début 2020, instituant le régime universel en points.

Nous vous proposons une synthèse des dispositions prévues dans ce document. Ce document est téléchargeable en VERSION PDF.

Dans le texte ci-après, les phrases en italiques constituent des commentaires de notre part, qui n’engagent que nous – Version du 29 Juillet 2019

 

Sommaire :

 

I. Le régime à terme : un régime universel géré par points en répartition provisionnée

L’objectif de cette réforme est la mise en place d’un régime unique national qui remplacera les 42 régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires.

Les principales caractéristiques suivantes :

L’acquisition des droits

  • Ce régime sera un régime en points, il n’y aura plus de notion de trimestres, une seule valeur de point pour tous.
  • Le rendement cible qui est communiqué est de 5,50% en 2025, c’est-à-dire que 100 euros cotisés génèreront 5,50 € de pension annuelle. Attention le rendement définitif ne sera connu qu’au 31/12/2024,
  • Toute activité générera des droits à retraite (pas de durée d’activité ou de cotisation minimum).

La base de cotisation et les taux de cotisation

  • La base de cotisation couvrira l’ensemble des revenus d’activité dans la limite de 3 plafonds de la Sécurité Sociale, soit 119 196 € en 2019,
  • Le taux de cotisation sera de 25,31% sur les revenus limités à 3 plafonds de la Sécurité Sociale plus 2,81% sur les revenus totaux déplafonnés. Ces deux taux sont répartis à 60%/40% entre les employeurs et les salariés. Les cotisations à 2,81% ne seront pas génératrices de droits.

L’âge de liquidation

  • L’âge d’ouverture de droits ou l’âge légal reste fixé à 62 ans,
  • L’âge du taux plein (ou celui auquel le rendement cible s’appliquera) n’est plus sous condition de durée d’assurances, il est appelé dorénavant âge pivot. Cet âge, fixé à 64 ans pour la génération 1963, pourra évoluer à la hausse si les partenaires sociaux le décident. Il évoluera cependant de manière automatique de façon à ce que les gains d’espérance de vie soient partagés à 2/3 de durée de vie active et 1/3 de durée de vie en retraite,
  • Si la liquidation intervient entre l’âge d’ouverture de droit et l’âge du taux plein, un abattement de 5% par année d’anticipation sera appliqué
  • Si la liquidation intervient au-delà de l’âge du taux plein, une majoration de 5% des droits par année de prorogation sera appliquée,
  • Les départs pour carrière longue seront maintenus pour les assurés ayant commencé leur activité avant l’âge de 20 ans et ayant validé la durée nécessaire pour l’obtention du minimum de pension (durée nécessaire appréciée sur la base d’une année validée chaque fois que la cotisation aura été payée sur un revenu de 600 heures de SMIC – durée décomptée en mois). Ces personnes pourront liquider leur pension à partir de 60 ans avec des conditions paramétriques fixées pour un individu âgé de 4 ans de plus,

Dans ce nouveau dispositif, les carrières heurtées ou les personnes ayant commencé leur vie active tardivement ne seront plus obligées d’attendre 67 ans pour ne pas avoir de décote. En revanche, des mères de famille ayant eu une carrière complète au régime général, qui jusqu’à présent pouvaient envisager un départ à 62 ans du fait des majorations enfants, seront contraintes de différer leur départ à la retraite, comme tous ceux qui avaient aujourd’hui le taux plein avant 64 ans.

La pénibilité

  • La prise en compte de la pénibilité sera étendue aux fonctionnaires et aux régimes spéciaux via la C2P[1],
  • Pour les statuts bénéficiant actuellement de conditions de départ anticipé, les possibilités de départ anticipé seront supprimées progressivement (cf paragraphe II. ci-dessous) sauf pour certaines fonctions régaliennes (cf paragraphe III. ci-dessous).

La revalorisation des droits distincts entre la phase d’activité et la phase de retraite

  • Pendant la phase d’activité les droits seront revalorisés comme le revenu moyen par tête. Cette disposition ne sera pas immédiate.
  • Pendant la phase de retraite les droits seront revalorisés comme l’inflation. La valeur de point ne pourra pas baisser.

On suppose que le revenu moyen par tête sera le revenu moyen soumis à cotisation au régime, toutes professions confondues.

La réversion :

  • Les droits du conjoint (et des ex-conjoints divorcés non remariés) d’un retraité ayant liquidé avant le 31/12/2024 ne seront pas modifiés, même si le décès intervient après le 01/01/2025,
  • Pour les liquidations postérieures au 31/12/2024 :
    • La pension de réversion ne sera ouverte qu’au conjoint des couples mariés (sous réserve des droits des ex-conjoints divorcés non remariés, pour les divorces prononcés avant le 31/12/2024),
    • La pension de réversion ne pourra être perçue qu’à compter des 62 ans du conjoint,
    • Aucune condition de ressource ne sera exigée pour le bénéfice de cette pension,
    • La garantie portera sur un niveau de vie. Ainsi, la pension de réversion sera déterminée comme la différence entre 70% des pensions du couple et la pension du survivant.
  • Les droits des ex-conjoints seront fermés pour les divorces prononcés après l’entrée en vigueur du régime universel. Les droits ne seront plus attribués au prorata des durées de mariage, ce point sera géré par le juge des affaires familiales lors du divorce.

A ce stade, ne sont pas précisées les dispositions en cas de décès en activité, ni les droits du conjoint s’il n’a pas encore liquidé sa pension.

Droits « gratuits » :

  • Des droits solidarités seront attribuées dans les cas suivants :
    • congé maternité au 1er jour d’arrêt sur la base des revenus de l’année précédente,
    • cas de congé maladie, sur la base du revenu avant l’arrêt,
    • période d’invalidé sur la base des revenus correspondant aux 10 meilleures années,
    • périodes chômages indemnisées sur la base de l’allocation versée,
  • Ces droits solidarités seront financés par l’impôt au travers d’un fonds de solidarité universel,
  • Majoration enfant : chaque enfant (dès le 1er enfant) va générer une « majoration enfant » de 5% des points acquis. Cette majoration pourra être partagée entre les parents. Si aucun choix n’est effectué, la majoration sera automatique attribuée à la mère.

Pourquoi n’avoir pas envisagé un nombre forfaitaire de points par enfant ?

Les droits solidarités en cas de chômage seraient attribués sur la base de l’allocation versée et non plus comme actuellement sur le salaire ayant servi au calcul de l’allocation. Ceci signifie que les salaires élevés seraient doublement pénalisés : une fois dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage et une seconde fois dans le cadre de la réforme des retraites.

Les autres points :

  • Un fonds de réserve sera constitué permettant d’assurer la pérennité et l’équilibre financier du régime pour répondre aux évolutions défavorables temporaires démographiques et économiques. Il sera alimenté par les excédents de la branche retraite et lors de sa création par une partie ou la totalité des réserves des régimes de retraite complémentaire.
  • Un minimum de pension fixé à 85% du SMIC net pour une carrière complète, soit 43 ans. Cette durée pourra augmenter en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.
  • Le cumul emploi retraite permettra de se constituer de nouveaux droits
  • La retraite progressive sera maintenue

 [1] Pour mémoire, lorsque le métier vérifie les conditions de pénibilité, le salarié acquiert 4 points par an pour l’exposition  à un risque et 8 points par an en cas d’exposition à plusieurs risques. Le nombre de points cumulé et limité à 100 points permet soit d’accéder à des formations pour obtenir un poste moins exposé ou afin de passer à temps partiel ou pour partir avec une anticipation de 2 ans.

 

II. La convergence des régimes

La conversion des droits passés

  • Les droits acquis à la date de la réforme seront garantis :
    • Les droits en points seront convertis à l’euro / l’euro
    • Les droits calculés en annuités et dépendant de la détermination d’un salaire moyen et d’une durée d’assurance requise feront l’objet d’une évaluation comme si les salariés liquidaient leur retraite (sans décote ni surcote) au 31/12/2024. Les règles de calcul seront adaptées pour que les droits soient calculés au prorata de la durée passée.

Par exemple, pour la pension CNAV, une personne née en 1980 et devant valider 43 ans de cotisation pour avoir le taux plein, si elle travaille depuis 22 ans, son Salaire annuel moyen sera calculé sur 22 / 43 x 25 meilleures années, soit 12 meilleurs salaires.  Si le SAM ainsi déterminé donne par exemple 20 000 € la pension qui sera convertie sera déterminée 50% x 20 000 x 25 /43 = 5 813 €

La phase transitoire

  • Les âges d’ouverture de droit des fonctionnaires (hors fonctions régaliennes) et salariés relevant de régimes spéciaux : les conditions d’âge de départ anticipé seront maintenues si les conditions de service civil sont vérifiées au 31/12/2024. Pour les autres, l’âge d’ouverture de droit sera décalé de 4 mois par génération pour atteindre 62 ans. Ainsi, cet âge sera atteint :
    • pour la génération 1982 pour un âge de départ anticipé de 57 ans
    • pour la génération 2002 pour un âge de départ anticipé de 52 ans.
  • Pour la nouvelle revalorisation des droits pendant la phase d’activité une période transitoire sera appliquée.
  • La convergence en termes d’assiette de cotisation et de taux de cotisation devrait être réalisée sur un maximum de 15 ans pour les fonctionnaires et pour les régimes spéciaux.
  • Pour les professions libérales, un plan de convergence de l’ensemble des professions devra être établi pour qu’elles atteignent les bases et taux de cotisation des indépendants. La cible devra être atteinte en 15 ans, voir 20 ans pour les régimes les plus éloignés.

Le décalage de l’âge d’ouverture des droits d’un départ anticipé de 52 ans concerne une génération qui n’a pas commencé à travailler. La transition aurait pu être un peu plus rapide !

Pour les métiers de la fonction publique ou des régimes spéciaux qui, pour certains, ont un niveau de primes élevé, l’intégration de ces primes pourrait avoir comme conséquence de faire baisser le salaire net. En conséquence, ce point pourrait être compensé par une prise en charge temporaire des cotisations salariales par les employeurs ou pour certains métiers, par une révision des grilles de rémunération.

Les réserves des régimes complémentaires

  • Pour les régimes complémentaires ayant constitué des réserves, le montant transféré au fonds de réserve universel sera déterminé au moyen d’un ratio prospectif égal au rapport entre :
    • La somme des réserves et des flux actualisés de cotisations d’assurance vieillesse, et
    • La somme des flux actualisés des prestations sur le même horizon.

Le solde servira soit à une prise en charge des cotisations ou au financement de droits supplémentaires de retraite ou d’action sociale.

Nous avons compris que la part des réserves transférée au régime universel correspondrait à la valeur actuelle des droits « dérogatoires » par rapport à ceux du régime universel, repris par ce dernier au 31/12/2024.

Par exemple, pour l’AGIRC-ARRCO, ils correspondent, entre autres, aux droits passés acquis au-dessus de 3 plafonds de la Sécurité Sociale, puisque l’assiette de cotisation sera plafonnée à 3 plafonds de la Sécurité Sociale dans le nouveau régime.

Comment seront financés les droits « dérogatoires » des régimes qui n’ont pas de réserves ?

 

III. Les dérogations

La Pénibilité :

  • Seuls les métiers dangereux dans le cadre de missions régaliennes pourront partir avec anticipation s’ils ont validé une période minimale de 27 ans : 52 ans pour les policiers, les surveillants pénitentiaires et les contrôleurs aériens et 57 ans pour les pompiers professionnels. Un âge taux plein sera déterminé pour cette population. Les bonifications actuelles seront remplacées par un mécanisme de sur-cotisation.
  • Pour les militaires de rang et les sous-officiers, le droit au départ sera accordé à compter de 17 ans de service avec un service de décote si la durée validée est inférieure à 19,5 ans. Une attribution de points sera également appliquée pour les missions ou leur vie peut être mise en danger. Pour les officiers, le droit à une retraite immédiate sera maintenu dans les conditions actuelles de durée de service.

Les indépendants :

  • Cette population aura un taux de cotisation dégressif qui sera de 28,12% jusqu’à 1 Plafond de la Sécurité Sociale, 12,94% de 1 à 3 Plafonds de la Sécurité Sociale.
  • Il est envisagé d’intégrer une cotisation minimale au régime pour garantir une pension minimum (85% du SMIC net pour une carrière complète). Celle-ci conduira à harmoniser les cotisations minimales des populations d’artisans, de commerçant, d’exploitants agricoles sur celle des indépendants.

Outremer :

  • des adaptations pour l’application du régime universel seront précisées par ordonnance,

 

IV. La gouvernance / le pilotage

Une règle d’or de pilotage :

  • par période pluriannuelle de 5 ans le solde technique et financier devra être positif ou nul.

La Caisse Nationale de Retraite Universelle

  • sera chargée de la mise en place et de la gestion opérationnelle du régime.

Le Fonds de Solidarité Vieillesse universelle

  • (FSVu ) sera en charge du financement de l’attribution des points solidarités (Chômage, maladie…), du minimum de pension, des droits familiaux et des dispositifs de départ anticipés (Carrières longues, et C2P). Son financement passera par l’impôt.

Comité d’expertise Indépendant:

  • La fusion du COR et du CSR donnera naissance au comité d’expertise indépendant des retraites qui analysera la situation du régime au regard des objectifs financiers et sociaux et qui remettra des rapports au gouvernement et au Conseil d’Administration.

La gouvernance du régime sera composée :

  • D’un conseil citoyen (30 citoyens tirés au sort) qui donnera un avis au Conseil d’administration au Gouvernement et aux présidents des commissions des affaires sociales de l’assemblée nationale et du Sénat,
  • Une assemblée générale composée de représentants des organisations patronales, syndicales, familiale et étudiant qui a pour fonction d’émettre un avis public sur les orientations du Conseil d’administration et a la possibilité d’émettre des propositions,
  • D’un Conseil d’Administration composé de 13 représentants d’organisations syndicales, pour la représentation des salariés, et 13 représentants des employeurs désignés. Ce Conseil d’Administration aura pour mission :
    • Effectuer tous les 5 ans des projections sur un horizon de 40 ans pour s’assurer de la pérennité du régime à moyen et long terme,
    • Proposera des évolutions paramétriques (revalorisation de la valeur de point et du prix d’achat) et réglementaires (évolution de l’âge du taux plein, taux de cotisation), l’utilisation des réserves. Ces dernières seront transmises au gouvernement qui, s’il les valide, les transmet au parlement.
  • Le Gouvernement pourra toujours présenter des évolutions réglementaires ou tout projet de réforme.

 

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