Régimes de retraite à prestations définies – Ordonnance du 03/07/2019

18 Mar 2021

Cet article commente l’ordonnance n° 2019-697 du 03/07/2019 (publiée au JO du 4 juillet 2019) et les deux instructions interministérielles qui ont suivies, concernant les régimes de retraite à prestations définies. Cet article est téléchargeable en VERSION PDF.

 

Sommaire de l’article SPAC:

  1. Points clefs
  2. Introduction
  3. Fermeture des régimes de retraite à prestations définies a droits aléatoires
  4. Mise en place des nouveaux régimes a prestations définies a droits certains
  5. Transfert des droits des régimes a droits aléatoires vers des régimes a droits certains
  6. Version téléchargeable

 

Points clefs

Les anciens régimes à droits aléatoires doivent être fermés et les droits figés au 31 12 2019

De nouveaux régimes à droits certains (définitivement acquis) peuvent mis en place à effet du 1er janvier 2020, en bénéficiant d’un régime fiscal et social spécifique :

  • Les bénéficiaires peuvent être tout ou partie des salariés et des mandataires sociaux sans qu’il soit besoin du caractère collectif ;
  • Les droits doivent être attribués sous forme de rente viagère au départ en retraite, libellées en euros (ou en pourcentage du salaire converti en euros) ;
  • Les droits sont plafonnés à 3% par an (de la rémunération de l’année); ils doivent être accordés sous condition de performance pour les mandataires sociaux et les salariés percevant plus de huit plafonds de la Sécurité Sociale. Ces conditions de performance peuvent être communes à plusieurs bénéficiaires et dépendre des résultats de l’entreprise ;
  • Pas de possibilité de droits rétroactifs, sauf pour les régimes mis en place en 2021, pour les droits au titre de l’année 2020 ;
  • Le cumul des droits de chaque bénéficiaire sur sa carrière est limité à 30 points (somme arithmétique des pourcentages successifs) : un organisme, nommé par arrêté, sera en charge de la collecte des informations nécessaires par la DSN, du contrôle et de la restitution desdites informations ;
  • Les droits sont définitivement acquis, que le bénéficiaire reste, ou non, dans l’entreprise ;
  • Le régime peut prévoir des garanties en cas de décès, payables aux ayants-droit, sous forme de capital ou de rente pendant la constitution, sous forme de réversion pendant la restitution ;
  • Ces droits peuvent être revalorisés annuellement, dans la limite de l’évolution du PASS (revalorisation obligatoirement identique, que le bénéficiaire soit ou non encore dans l’entreprise) ;
  • Le régime doit être couvert par un contrat d’assurance qui peut revêtir deux formes :
    • Rentes viagères différées qui transfèrent l’engagement chez l’assureur (ce type de contrat va être très difficile à trouver sur le marché et sera très onéreux, mais c’est le seul qui pourrait permettre à l’entreprise de s’exonérer d’une provision comptable),
    • Fonds collectif qui doit couvrir à tout moment au moins 80% de l’engagement (70% dans certains cas limités), l’engagement doit alors être évalué et provisionné au passif du bilan, sous déduction de la valeur du fonds d’assurance.
    • Quelle que soit la solution, en cas d’insolvabilité de l’employeur, l’organisme assureur doit garantir à minima 50% des rentes acquises au moment du départ en retraite.

Les droits des « anciens régimes » (à droits aléatoires) devraient être transférables sur ces « nouveaux régimes », à droits certains, dans des conditions à préciser dans une instruction ministérielle à paraître.

 

 

Introduction

L’environnement social de ces régimes est régi par l’article L137-11 du code de la Sécurité Sociale. Cet article a été profondément modifié à la suite de l’ordonnance du 3 juillet 2019 (qui elle-même fait suite à la directive 2014/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014).

Cette ordonnance met fin aux régimes de retraite à prestations définies et à droits aléatoires (droits conditionnés à l’achèvement de carrière dans l’entreprise). Elle crée les nouveaux régimes de retraite à prestations définies et à droits certains (définitivement acquis au bénéficiaire une fois qu’ils sont attribués).

Pour préciser ses modalités d’application, L’ordonnance a été suivie d’instructions ministérielles :

  • L’instruction interministérielle N° DSS/3C/5B/2020/135 du 27 juillet 2020 relative à la fermeture des régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise : cette instruction précise comment les anciens régimes doivent être fermés
  • L’instruction interministérielle N° DSS/3C/5B/2020/237 du 23 décembre 2020 relative à la mise en place des régimes de retraite supplémentaire mentionnés à l’article L. 137-11-2 du code de la sécurité sociale, qui précise les modalités de mise en place des nouveaux régimes.
  • Une troisième instruction est encore attendue qui devrait préciser les modalités de transfert des droits des anciens régimes vers les nouveaux régimes.

 

Fermeture des régimes de retraite à prestations définies a droits aléatoires

(Instruction interministérielle N° DSS/3C/5B/2020/135 du 27 juillet 2020)

Les régimes concernés : l’ordonnance du 3 juillet 2019 n’est pas applicable aux régimes existants à droits aléatoires qui ont cessé, au plus tard le 20 mai 2014, d’accepter de nouveaux affiliés actifs. Les bénéficiaires de ces régimes peuvent donc continuer d’acquérir de nouveaux droits, y compris après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, ces derniers étant soumis à l’aléa de la présence dans l’entreprise au moment de la liquidation. Il en va de même pour les droits afférents aux périodes d’emploi accomplies avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les régimes qui sont concernés :

  • Ne peuvent plus accepter de nouveaux bénéficiaires à compter du 5 juillet 2019,
  • Ne peuvent plus attribuer de nouveaux droits aux bénéficiaires existants à compter du 1er janvier 2020. Les droits doivent être gelés (ou cristallisés) au 31 décembre 2019.

 

Plus de nouveau bénéficiaire à compter du 5 juillet 2019 : La condition d’appartenance au champ d’application du régime (notamment les catégories de personnel ou l’ancienneté minimale pour être affilié au régime) doit être vérifiée au 4 juillet 2019 au plus tard. En revanche, lorsque le régime prévoit une condition d’ancienneté dans le régime, celle-ci peut être vérifiée au moment du départ en retraite même si elle ne l’est pas au 4 juillet 2019.

Pas de nouveaux droits à compter du 1er janvier 2020 : Les droits au régime doivent être cristallisés au 31 12 2019 au maximum, selon la formule de régime ; la fermeture du régime ne peut pas être l’occasion d’attribuer des droits supplémentaires aux bénéficiaires. La simple revalorisation des droits selon la formule du régime ne constitue pas des nouveaux droits, y compris en fonction du salaire lorsque le régime prévoit des droits exprimés en fonction du (des) salaire(s) de fin de carrière.

Pour matérialiser la cristallisation de ces droits, nous vous conseillons, dans tous les cas de figure, même si cela ne semble pas obligatoire, de rédiger un règlement de fermeture qui concrétise les droits figés de manière aussi explicite que possible, et d’en informer individuellement tous les bénéficiaires.

Chaque régime est particulier ; il est difficile de proposer des règles de cristallisation universelles, elles doivent être adaptées à chaque cas. L’instruction illustre les cas suivants au moyen de 7 exemples (non exhaustifs) :

  • Cas des règlements avec une condition d’acquisition des droits selon un rythme périodique :
    • Cas d’une périodicité annuelle
    • Cas d’une périodicité supra-annuelle
  • Cas des droits acquis sur la base d’un pourcentage fixe d’un salaire de référence (sans référence à une condition d’acquisition par année d’ancienneté)
  • Cas des régimes différentiels :
    • Condition d’acquisition de droits selon un rythme périodique
    • Absence de condition d’acquisition des droits, mais condition de bénéfice des prestations

 

Mise en place des nouveaux régimes a prestations définies a droits certains

(L’instruction interministérielle N° DSS/3C/5B/2020/237 du 23 décembre 2020)

Pour bénéficier d’un traitement social et fiscal avantageux, les nouveaux dispositifs doivent remplir toute une série de conditions.

En préalable, il doit bien s’agir d’un régime à prestations définies qui implique que l’entreprise s’engage sur un montant de prestations, en l’occurrence de rente, à verser aux anciens salariés et non sur un montant de cotisation (comme pour les régimes à cotisations définies, type « Article 83 »).

Le régime doit par ailleurs respecter les règles suivantes :

  • Le financement du régime doit être «  assuré par la souscription d’un contrat de retraite professionnelle supplémentaire »,
  • Le bénéfice des droits doit être lié à des conditions de performances professionnelles des bénéficiaires lorsque ceux-ci sont des mandataires sociaux ou des salariés dont la rémunération est supérieure à huit fois le plafond de la sécurité sociale. En outre, un dispositif de retraite professionnelle supplémentaire doit être mis en place au bénéfice de l’ensemble des salariés de l’entreprise.
  • Les droits acquis annuellement par les bénéficiaires doivent être plafonnés à 3 % de la rémunération de l’année considérée. Le cumul des pourcentages appliqués pour un même bénéficiaire, tous employeurs confondus, doit être plafonné à 30 points.

 

1. Souscription d’un contrat de retraite professionnelle

Le contrat doit être souscrit auprès d’un fonds de retraite professionnelle supplémentaire, d’une compagnie d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance.

Expression des droits sous forme de rente : les prestations doivent être exprimées et garanties de manière irrévocable, dans le règlement du régime et dans le contrat d’assurance, sous forme de rente annuelle, en euros ou en pourcentage de la rémunération annuelle (sous-entendu de l’année d’attribution et convertie en euros).

Une fois attribués, ces droits doivent être définitivement acquis, même en cas de départ de l’entreprise.

A la liquidation, la rente à servir est égale à la somme des rentes acquises annuellement, revalorisées selon les dispositions du régime, dans la limite de la revalorisation du plafond annuel de la Sécurité Sociale. La revalorisation doit être identique, que le bénéficiaire soit encore salarié de l’entreprise ou non.

 

Devenir de la rente en cas de décès du bénéficiaire : le régime peut prévoir le paiement des droits sous forme de rente ou de capital aux ayants-droit en cas de décès du bénéficiaire pendant la phase de constitution (avant liquidation des droits). Il peut par ailleurs prévoir les modalités de réversion de la pension après la liquidation.

 

Type de contrat : quelle sécurisation des rentes dans le contrat d’assurance ?

Les employeurs sont tenus de souscrire un contrat prévoyant un taux de garantie en cas d’insolvabilité de l’employeur au moins égal à 50 % des droits acquis par le bénéficiaire au moment de cette insolvabilité. A notre connaissance, deux types de contrats remplissent cette condition:

  • Contrat en « RVD » (Rente Viagère Différée) : Contrat par lequel l’assureur s’engage, moyennent le paiement d’une prime, à garantir 100% du montant de la rente revalorisée au moment de la liquidation.

ATTENTION : Cette solution, qui permet d’exonérer l’employeur de constituer une provision comptable, sera très difficile et très onéreuse à mettre en place.

En effet, les assureurs sont extrêmement timides s’agissant de prendre des risques viagers et financiers à long terme voire très long terme (ce qui serait le cas ici dans la mesure où la garantie porterait sur la période de différé, pouvant atteindre 40 ans, et sur la période de service de la rente, pouvant également être très longue).

Les seuls assureurs qui ont, pour l’heure, accepté ce principe, l’ont conditionné au paiement d’une surprime de l’ordre de 5% à 20%, en fonction de la durée du différé, par rapport à la prime qui serait nécessaire du seul fait de l’application des conditions réglementaires en vigueur (actuellement les tables de mortalité TGH05-TGF05 avec un taux technique d’escompte financier de 0%). En toute logique (mais les assureurs ne l’ont à ce jour pas confirmé) cette surprime devrait alimenter un fonds de sécurité, qui resterait propriété de l’entreprise, et qui ne serait utilisé par l’assureur qu’en cas de modification des conditions techniques réglementaires (changement de table de mortalité, taux technique d’escompte).

Par ailleurs, pour être transférable à l’assureur, la revalorisation des rentes, en service ou différées, doit reposer sur ses rendements techniques et financiers (fonds général de rente de l’assureur). Le régime doit donc prévoir cette clause de revalorisation, dans la limite de la revalorisation du plafond annuel de la Sécurité Sociale.

Dans le cas contraire, l’employeur reste engagé au titre des revalorisations que l’assureur ne peut pas garantir. Il doit procéder à l’évaluation des engagements chaque année ; les inscrire en annexe de son bilan et comptabiliser une provision égale à la différence entre ces engagements et les provisions de rentes constituées chez l’assureur.

 

  • Fonds collectif : ce type de contrat fonctionnera comme les contrats actuellement utilisés pour les indemnités de fin de carrière (IFC), sous forme de « tirelire » alimentée par les primes de l’employeur et sur laquelle les capitaux constitutifs de rente seraient prélevés au fur et à mesure des liquidations.

Toutefois, la très grosse différence avec ces contrats « IFC » est que l’employeur n’est pas libre de payer les primes comme il l‘entend en fonction des opportunités comptables et fiscales.

En effet, le contrat doit prévoir :

– A chaque attribution de droit et chaque année, les fonds disponibles doivent couvrir au moins 80% de l’engagement, évalué par l’assureur selon les bases techniques alors en vigueur (table de mortalité et taux technique d’escompte financier).

– Ainsi, à chaque attribution annuelle et en cas de dégradation des bases techniques en vigueur, l’employeur est tenu de payer à l’assureur les primes nécessaires pour atteindre a minima ce montant.

– Ce minimum de 80% peut être abaissé à 70% en cas de dégradation du taux de couverture exclusivement lié aux marchés financiers (exemple : crise financière qui génère une baisse de 30% des actifs sur lesquels sont investis les fonds).

– Au moment de la liquidation de la rente, les droits acquis par le salarié doivent être sécurisés à hauteur de 100 % auprès de l’organisme assureur.

– En cas de faillite ou d’insolvabilité de l’employeur, l’organisme assureur doit garantir a minima 50% des droits acquis par les bénéficiaires, figés au moment de l’insolvabilité de l’employeur (ces droits seront ensuite normalement revalorisés en fonction des résultats techniques et financiers du contrat)

 

Selon cette solution, aux termes des normes comptables françaises (recommandations de l’ANC) ou internationales (IAS 19), l’entreprise doit faire procéder chaque année à l’évaluation de ses engagements au titre du régime. Elle doit inscrire ces engagements en annexe du bilan et provisionner (obligatoire en IAS 19, facultatif en normes françaises) la différence entre l’engagement et le montant des actifs externalisés dans le fonds collectif chez l’assureur.

 

2. Conditions relatives aux bénéficiaires

Tous les salariés et mandataires sociaux peuvent être éligibles à un régime à prestations définies à droits certains, sous certaines conditions :

  • La notion de conditions liées aux performances professionnelles : Pour les mandataires sociaux et pour les salariés dont la rémunération est supérieure à huit fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, l’acquisition du droit pour une année donnée doit être subordonnée au respect de conditions liées aux performances professionnelles du bénéficiaire, qui sont appréciées annuellement. Ces conditions peuvent être communes à plusieurs bénéficiaires et fonction des résultats de l’entreprise. Elles relèvent de la seule compétence de l’employeur, mais un contrôle pourra être réalisé sur l’existence et la réalisation de ces conditions.
  • Pas de condition liée au caractère collectif des garanties au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, mais l’employeur est tenu de mettre en place un dispositif de retraite au profit de l’ensemble des salariés de l’entreprise (PERCO existant ou régime à cotisations définies « article 83 », nouveaux plans d’épargne retraite entreprise : PERECO et/ou PERO). Si l’attribution peut être totalement individualisée, il sera cependant prudent de respecter le principe d’égalité de traitement entre salariés.

 

3. Conditions relatives au plafonnement des droits acquis

La rente attribuée à chaque bénéficiaire, au titre d’une année donnée, est limitée à 3% de la rémunération de l’année considérée (rémunération servant de base au calcul des cotisations sociales). Cela ne veut pas dire que l’expression du droit dans le règlement du régime doit être exprimé en pourcentage de la rémunération, mais que ce droit, une fois attribué et converti en euros, doit être ramené à la rémunération annuelle pour vérifier cette limite de 3% et éventuellement être plafonné.

Pour un bénéficiaire multi-employeur, les droits acquis au cours de l’année sont rapportés à la rémunération annuelle totale, sur la base des informations communiquées par chacune des entreprises concernées à l’organisme désigné par arrêté.

Le cumul des pourcentages attribués à chaque bénéficiaire au cours de sa carrière est plafonné à 30 points, (limite de la somme arithmétique des pourcentages attribués au fil des ans, sans considération de l’évolution de la rémunération) tous employeurs confondus).

Aucune attribution n’est possible au titre d’une année antérieure à l’année d’adhésion au régime. Toutefois, à titre de dérogation, les régimes mis en place (et contrats souscrits) avant le 31 12 2021 pourront attribuer des droits au titre de l’année 2020 dans la limite de 3% de la rémunération de l’année 2020, et sans condition de performance pour cet exercice.

Un organisme, qui sera défini par arrêté (probablement la CNAV), sera en charge de la collecte, du contrôle et de la fourniture des informations relatives au cumul des pourcentages acquis. L’employeur devra déclarer annuellement via la DSN le montant de rente annuelle acquise par le bénéficiaire.

 

Transfert des droits des régimes a droits aléatoires vers des régimes a droits certains

Les conditions précises du transfert doivent être précisées dans une instruction ministérielle à paraître.

L’ordonnance du 3 juillet 2019 précise toutefois que les droits seront transférables dans le respect de la limite globale de 30 points prévue pour les régimes à droits certains ; la limite de 3% pour l’année du transfert ne prendra pas en compte le montant de ce transfert.

Pour le respect du plafond de 30 points, le transfert doit être apprécié en rapportant le montant des droits conditionnels à la date du transfert à la rémunération moyenne du bénéficiaire au cours des trois dernières années dans le régime.

 

Version téléchargeable

 

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