L’accord Agirc-Arrco sur les retraites complémentaires (Article Capital.fr)

21 Mai 2019

La mauvaise nouvelle de l’accord Agirc-Arrco sur les retraites complémentaires

Cet article à été rédigé par site d’information Capital, suite à l’entretien de Brigitte Ecary, présidente du cabinet SPAC Actuaires. L’article est disponible ICI.

 

Avec l’indexation des pensions sur l’inflation et la réduction du nombre de personnes concernées par le malus, prévues par l’accord Agirc-Arrco 2019-2022, les retraités du secteur privé ont de quoi se réjouir. Les actifs un peu moins, car ils devront cotiser plus pour obtenir le même niveau de pension.

 

Il y a des petits détails difficiles à comprendre mais qui ont leur importance. Dans l’accord pour définir l’orientation stratégique des retraites complémentaires Agirc-Arrco d’ici à 2022, les pensions seront réindexées sur l’inflation. Et les chômeurs percevant l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou encore les futurs retraités reconnus en incapacité permanente à hauteur de 20%, suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, seront exonérés du malus. Ce dispositif impose une pénalité de 10% pendant trois ans pour les retraités qui partent dès l’âge du taux plein au régime de base. Une minoration qui ne s’efface qu’en cas de liquidation un an plus tard et qui peut se transformer en bonus temporaire pour ceux qui travaillent au-delà.

 

Autre point prévu par l’accord, pour les quatre années qui viennent, la valeur d’achat du point est réindexée sur les salaires. Il s’agit des points que vous acquérez grâce à vos cotisations pendant votre vie active et qui permettent de déterminer le montant annuel de votre future retraite complémentaire. La valeur annuelle du prix d’achat du point Agirc-Arrco en 2019 est fixée à 17,0571. Ce chiffre signifie que, pour obtenir un point Agirc-Arrco, il faut cotiser à hauteur de 21,66 euros (17,0571 euros auxquels on ajoute le taux d’appel de 127%*). L’évolution de la valeur de service du point, qui permet de calculer le montant de la pension, est quant à elle fixée sur l’inflation.

 

Le hic, c’est que la revalorisation des salaires étant généralement plus importante que l’inflation, la valeur d’achat augmente plus vite que la valeur de service. “Dès lors que l’évolution des deux paramètres a lieu selon des indices différents, on constate une baisse de rendement, soit le rapport entre la valeur de service et d’achat”, pointe Jacques Martel, administrateur de l’Union nationale interprofessionnelle des retraités CFE-CGC. “Résultat, vous cotisez plus pour percevoir le même niveau de pension lorsque vous serez à la retraite”, ajoute-t-il.

 

En 2019, d’après les chiffres de SPAC actuaires, société de conseil en actuariat spécialisée dans le social, le rendement net est de 5,81% alors qu’il était de 5,99% en 2018. Ainsi, pour 100 euros de cotisation, vous vous constituez une rente de 5,81 euros par an qui vous sera versée pendant toute votre retraite. L’année précédente, le gain était de 5,99 euros. Ce rendement est dit “instantané” car il s’agit du montant de retraite annuel acquis en contrepartie d’une cotisation payée la même année. Il ne prend pas en compte le décalage entre la date de la cotisation et le moment du départ à la retraite, ni les possibles revalorisations de pension. “A choisir, il vaut mieux un taux de rendement plus faible et une meilleure revalorisation par exemple un point au-dessus de l’inflation, plutôt qu’un rendement plus élevé mais un quasi-gel de la pension”, analyse Brigitte Écary, présidente de Spac actuaires. Si à la retraite vous bénéficiez d’une revalorisation importante de votre pension, le pouvoir d’achat sera supérieur, même si vous avez cotisé plus pendant votre vie active. Dans la situation actuelle, le cas est mitigé. Même si, bien-sûr, revaloriser les pensions sur l’inflation est mieux qu’un gel, les actifs d’aujourd’hui risquent d’avoir à cotiser de plus en plus pour, au final, toucher une pension qui ne sera pas revue à la même échelle.

 

Autre problème, cette perte de rendement est loin d’être une nouveauté. Un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) du 14 février 2018 soulignait qu’afin “d’assurer la pérennité financière des régimes, les rendements Agirc-Arrco ont diminué au fil des années. Dit autrement, un cotisant acquiert pratiquement deux fois moins de droits en 2018 à l’Arrco qu’il en acquérait en 1973 avec le même euro de cotisation”. Si dans les années 60 le taux avoisinait les 16%, il a dégringolé à 7% au début des années 2000. Depuis, il ne cesse de baisser, doucement mais sûrement. Cette mesure est un outil de rééquilibrage des comptes moins visible qu’un gel des pensions. “Oui, les salariés peuvent voir sur leur bulletin de paie que chaque année, même si leur niveau de cotisation est le même, ils perçoivent moins de points Agirc-Arrco. Mais, il est difficile pour eux de déterminer financièrement ce que représente cette perte”, constate Brigitte Écary. Une façon de faire passer en douceur une mesure d’économie.

 

*Le taux d’appel est un prélèvement supplémentaire appliqué sur les cotisations mais qui ne génère pas de nouveaux droits à la retraite.